Conseil municipal du 6 février 2025
Le débat d’orientation budgétaire intervient dans les 10 semaines précédant le vote du budget. Il a pour objectif de poser le contexte national, de l’intercommunalité et de la commune ainsi que les hypothèses retenues pour établir le budget. Il s’inscrit également dans une vision prospective indispensable pour anticiper les tendances et ne pas piloter à vue.
Nous ne nous étendrons pas sur le contexte national. C’est une donnée d’entrée sur laquelle la commune n’a pas prise.
Pour ce qui est de notre commune, c’est avec une profonde tristesse que nous prenons acte de la trajectoire dégradée de nos finances.
Nous avions alerté l’année dernière. La tendance que nous avions alors soulignée se confirme et s’amplifie aujourd’hui.
Cette dégradation ne peut pas être à elle seule imputée à la perte de la Dotation de Solidarité Rurale puisque nous aurions dépassé le seuil de 10 000 habitants selon certains services de l’état.
La tendance est lourde et désormais structurelle. Et elle s’amplifie pour cet exercice.
Donc, voici quelques éléments d’attention :
Vous affirmez page 5 « Une maîtrise des dépenses réelles de fonctionnement qui tendent vers la trajectoire « ODEDEL » 2023-2027 »
Cela nous paraît très audacieux à plusieurs titres :
- sur la maîtrise des dépenses de fonctionnement, mais nous y reviendrons;
- sur la trajectoire ODEDEL, nous avons des dépenses sur les trois dernières années qui non seulement augmentent mais accélèrent avec 3,29 %, 5,29 % et une prévision à 6,71 % pour 2025 alors que la trajectoire de l’ODEDEL cible un ralentissement avec 4,8 %, 2 % et une cible de 1,5 % pour 2025.
Non seulement nous sommes 4 fois supérieurs mais même l’orientation de la trajectoire n’est pas respectée.
D’ailleurs, dans vos conclusions, page 9, vous indiquez « un fort poids des dépenses incompressibles qui rend difficile l’atteinte de l’ODEDEL ». Avoir un document qui dit une chose et son contraire, c’est pratique à présenter, mais pas très utile pour comprendre l’orientation du budget. En tout état de cause, cette affirmation sur le respect de la trajectoire de la maîtrise de dépenses publiques est fausse.
Pour revenir sur les dépenses de fonctionnement, nous constatons une amplification de l’effet ciseau. Nos dépenses de fonctionnement augmentent plus vite que nos recettes et cet écart accélère.
Cette tendance était déjà présente l’année dernière avec un écart d’environ 0,4 point. Cette année, la situation est pire puisque l’écart est projeté à 1,2 points. Une multiplication par 3 qui traduit une accélération de la dégradation.
Déjà un écart qui se serait stabilisé à 0,4 point serait problématique car, à terme, cela traduit une remise en cause de notre capacité à financer nos charges incompressibles et nos investissements. Mais avec cette accélération, on est un plein dérapage et aucune indication ne nous a été donnée qu’il est contrôlé.
Nous noterons en passant que les budgets annexes du cinéma et de la chaufferie présentent également un effet ciseau. Pour la chaufferie, si les dépenses de fonctionnement sont maîtrisées (avec une hausse de 0,54 %), c’est la baisse des recettes de -1,35 % qui nous interroge plus. Nous espérons que cela n’est que conjoncturel.
Concernant la hausse prévue de nos charges à caractère général, nous ne pouvons malheureusement que reprendre ce que nous avons dit l’année dernière.
Je cite le rapport d’orientation: « les charges à caractère général augmentent de +5 %, ce chapitre s’élève 4,4 M€ contre 4,2 M€ en 2024. Cette hausse est liée principalement, à l’inflation de l’ensemble des produits et services, aux mesures contractuelles des marchés publics restauration scolaire et nettoyage des locaux, révision d’indice de la DSP relative à l’accueil des enfants durant la pause méridienne. »
Donc, la hausse des charges à caractère général est due en grande partie à la révision annuelle des contrats de prestation. Ce que nous avions déjà souligné à plusieurs reprises (notons que le SDIS, notre sécurité incendie, augmente de 3 %, beaucoup plus modérément que les prestations de service).
Ce que vous avez cherché à économiser en ressources humaines en externalisant, vous le retrouvez sur cet autre poste dont les tarifs sont révisés à la hausse tous les ans, et parfois fortement comme en ce moment. Les critères de revalorisation sont souvent bien plus forts qu’une augmentation de la masse salariale due au GVT. Pour un même service rendu, vous avez cette année un +5 % de prestation au lieu de +2,4 % de masse salariale due au GVT.
Je vais m’arrêter là sur le très court terme, le budget de cette année. Il n’y a plus à convaincre que la situation est fortement dégradée.
Le but du DOB est également d’anticiper et de voir les orientations sur le moyen terme.
Vous nous présentez une évolution de notre capacité d’autofinancement qui semble s’améliorer par rapport à votre prospective de l’année dernière.
Il est néanmoins compliqué de s’y retrouver : Par exemple, pourquoi les chiffres de 2022 sont-ils différents ? Est-ce que l’on est bien sur les mêmes périmètres ? (utilisation des comptes administratifs quand ils sont connus ou anticipés). Cela ne semble pas le cas. (Par exemple, les totaux de recettes et dépenses de 2022, les intitulés et périmètres des lignes intermédiaires qui changent…)
En tout état de cause, cette amélioration de la prospective est en trompe-l’œil et est la conséquence d’une adaptation du Plan Pluriannuel d’Investissement. Nous y reviendrons.
Ce n’est pas parce que la situation est « moins pire » qu’elle en est pour autant meilleure.
Vous affichez une division par 3 de notre capacité d’auto-financement en 4 ans. C’est du jamais vu. Et cela interroge la capacité de la commune à assumer les dépenses qu’elle compte engager.
Face à un tel écroulement, il est surprenant de ne pas avoir le graphique de l’évolution de la capacité de désendettement dans le document transmis, ni en commission. C’est un des ratios des plus classiques permettant d’évaluer l’évolution de la capacité financière d’une commune. (Nous l’avions reçu l’année dernière 2 jours avant le conseil; rien cette année.)
Pour rappel, la capacité de désendettement donne le nombre d’années qu’il faudrait pour rembourser nos emprunts si la ville y consacre toutes ses recettes restantes. Il était depuis quelques années autour de 4-5 ans. On peut le calculer à 8,5 années pour 2025. Rappelons que le seuil de vigilance pour les communes est situé à 8 ans et le seuil d’alerte à 12 ans.
Cette amélioration est également due a priori à la disparition d’un emprunt que vous aviez positionné sur 2027 l’année dernière.(Il a été indiqué en séance que cet emprunt de 3 M€ est toujours d’actualité et prévu pour 2027, même s’il n’apparait que de manière indirecte dans ce qui est présenté au travers de l’augmentation des remboursements d’emprunts; on a connu mieux en termes de transparence)
Ce qui nous amène au PPI (Plan Pluriannuel d’Investissements) que vous présentez.
A noter que le tableau que vous présentez est compliqué à suivre car certaines lignes ne sont pas ventilées par rapport aux objectifs que vous y avez vous-mêmes inscrits : les 5 M€ programmés de l’ALSH (le déplacement du centre aéré dans le centre-bourg) impactent également le programme « école Debelle ». La ligne sur l’accessibilité des bâtiments est vide car les travaux dans ce cadre sur les autres opérations n’y sont pas ventilées. Difficile alors de voir si l’on tient les objectifs de la délibération cadre que nous avions voté au mandat précédent. (Il est à noter que ce programme d’accessibilité s’impose aux communes).
Comme nous l’avons dit, ce PPI a été très fortement remanié pour être étalé. Nous n’avons aucun problème avec cette re-planification. Un PPI est un document vivant, servant au pilotage suivant le contexte de la commune, et il peut s’entendre d’étaler nos investissements si nous ne pouvons y faire face.
Mais au-delà d’étaler, ne serait-il pas venu d’enfin mieux définir les projets en explicitant les objectifs concrets que l’on veut atteindre, le fameux « pour qui ? » « Pour quoi ? » « Comment ? », d’en revoir certains pour qu’ils soient plus en adéquation avec la réalité de nos finances. Par exemple, 10 M€ pour le programme de la place Armand-Pugnot (et l’école de musique), est-ce bien la bonne jauge ? Pour quel objectif de vie quotidienne au-delà des intentions, aussi louables soient-elles ?
Donc ces programmes d’investissement sont étalés, bien au-delà de la fin du mandat.
Mais tous ces projets seront enclenchés avant la fin du mandat, ce qui ne laissera plus aucune marge de manœuvre.
Pire, le volet de financement de ce PPI est totalement absent ! Il ne nous a pas été présenté, nous espérons qu’il existe ! Comment planifier des dépenses si vous ne mettez pas en regard les recettes et financements à prévoir?
Comment seront financés ces plus de 20 M€ d’investissement dans les 5 ans à venir ? Par une augmentation des impôts ? Par des emprunts ? Par une réduction du service à la population ? (La réponse en séance n’a tourné qu’autour des subventions mobilisables qui ne couvriront qu’une partie des dépenses. Aucune présentation de la stratégie de financement global à prévoir)
En l’état, vous engagez des programmes pluriannuels très lourds sans expliciter comment ils seront financés. La fin du mandat est dans un an. Vous laisserez l’ardoise à la prochaine municipalité. Pour certains, ce sera même « Après moi, le déluge ».
Pour conclure, ce rapport d’orientation budgétaire est pire que l’année dernière.
Il confirme une situation dégradée de nos grands équilibres avec une tendance malheureusement à l’accélération de la détérioration.
Nous espérons que le budget à venir ainsi que les divers programmes d’investissements tiendront compte de cette situation qui sera de toute façon malheureusement difficile à rétablir.